Témoignage de Stéphanie « Le panier de Crabe »

À 4 ans, Stéphanie entend le mot « cancer » pour la première fois. Sa maman, 27 ans à peine, est diagnostiquée d’un cancer du sein. Elle grandira avec cette maladie en toile de fond. Et puis, à son tour, le verdict. Un cancer in situ, puis un cancer triple négatif. À lire en intégralité
Je m’appelle Stéphanie, j’ai 53 ans. J’ai entendu le mot « cancer » pour la première fois à l’âge de 4 ans. Ma maman avait seulement 27 ans lorsqu’elle a été diagnostiquée pour la première fois d’un cancer du sein. J’ai grandi avec mes parents… et avec cette maladie, devenue un membre de la famille que l’on n’a pas choisi. J’ai connu les traitements, les suivis, les angoisses avant chaque contrôle, les silences lourds et les espoirs fragiles. Dès mon adolescence, on m’a fait passer une première mammographie, entre 13 et 15 ans. On parlait déjà d’un possible cancer héréditaire, même si à l’époque, les tests génétiques n’existaient pas encore.
À mes 18 ans, ma mère a eu un second cancer du sein, puis à 45 ans, des doutes sur ses organes génitaux ont mené à une hystérectomie et une ovariectomie. En 2009, elle apprend qu’elle est porteuse du gène BRCA2, d’origine inconnue non significatif. Ce fut un tournant… Elle semblait tirée d’affaire jusqu’en 2013, où un cancer du poumon fut diagnostiqué après plusieurs années de doutes. Opération, chimio, radiothérapie. Rémission en 2015. Puis début 2016 : cancer de la plèvre. Puis du cervelet en 2018. Elle s’est battue jusqu’au bout, jusqu’à son décès en juin 2020. Elle est restée une battante jusqu’à son dernier souffle.
Durant toutes ces années, je me suis fait suivre très régulièrement. Sauf les deux dernières. J’étais son accompagnante, je me suis un peu oubliée. Quelques mois après son départ, en octobre 2020, j’ai ressenti un besoin urgent de faire mes examens. Comme un réveil brutal. Je fais donc IRM, mammographie, échographie. Rien à l’IRM, rien à la mammo… mais une masse à l’échographie. Le radiologue n’était pas inquiet, mais il a eu l’intuition de faire une biopsie, vu mes antécédents. Dix jours plus tard : verdict. Cancer du sein in situ.
On me laisse le choix : tumorectomie avec radiothérapie, ou mastectomie avec reconstruction immédiate. J’ai choisi la deuxième option, plus radicale. Je pensais que c’était derrière moi. J’étais vigilante, mais au fond, plutôt sereine. En décembre, le test génétique est fait : je suis porteuse d’un gène BRCA2, non significatif, mais d’origine inconnue et du gène RAD51.
En avril 2023, un IRM de contrôle détecte une masse au sein gauche. J’ai l’habitude de palper, je ne sentais rien, c’est la machine qui parle. Verdict : cancer triple négatif. Un choc brutal. Le sol se dérobe. Cette fois, c’est une autre bataille. Biopsie, Tep scan (pas de métastases, heureusement), mastectomie sans reconstruction. On en profite pour analyser une masse sur la prothèse du sein droit : un second cancer, hormono-dépendant. S’en suit un protocole lourd : chimio EC100 en juillet, puis Taxol jusqu’en novembre 2023, radiothérapie bilatérale jusqu’à fin janvier 2024, hormonothérapie dès février, puis ovariectomie préventive en juin. Changement de traitement en août.
Aujourd’hui, j’ai repris le travail. Je vis avec cette rage d’être en vie, mais aussi avec la peur. Avec les effets secondaires. On apprend à faire avec. Et malgré tout, je reste convaincue d’une chose : le suivi m’a sauvé la vie. Ma maman m’a mise au monde deux fois : la première, il y a 53 ans. La deuxième, en m’imposant une vigilance qui m’a permis d’être diagnostiquée à temps. Je lui dois ma vie. Sans ce dépistage, sans cette chaîne de contrôles réguliers, mon cancer triple négatif aurait pu se propager. Et je ne serais peut-être pas là pour vous en parler.
Alors s’il vous plaît, faites-vous dépister.
Même si vous vous sentez bien.
Même si c’est contraignant.
Le dépistage peut sauver une vie.
Il a sauvé la mienne.