Quand les chiens aident au diagnostic des cancers des humains
L’enjeu principal dans la problématique des cancers, au-delà de leur prévention, réside dans la détection précoce des cellules cancéreuses. Plus le cancer est détecté tôt, plus les chances de survie sont élevées. Dans cette optique, les chiens ont un rôle à jouer. Grâce à leur odorat, bien plus aiguisé que le nôtre, ces collaborateurs d’un genre particulier sont capables de flairer très tôt les cellules anormales. Plusieurs équipes de recherche étudient ce principe de bio détection de tumeurs comme un nouvel outil de dépistage. Nous vous en disons davantage sur cette piste qui apparaît aussi originale que fascinante.
Les particularités des cellules cancéreuses
Les cellules cancéreuses possèdent un métabolisme particulier qui modifie leur empreinte olfactive et permet donc de les discriminer des cellules saines.
Autrement dit, il existe une « odeur » du cancer. Cela s’explique car les cellules cancéreuses ont la particularité d’émettre des composés organiques volatils que l’odorat humain ne peut ni sentir, ni détecter d’une quelconque façon.
En revanche, l’odorat bien plus aiguisé du chien, lui, en est capable. Ce sens hyper développé lui confère une aptitude à repérer ces substances chimiques caractéristiques de la maladie, à un stade précoce.
Les incroyables capacités olfactives des chiens
Histoire d’une hypothèse
Chacun connaît la capacité du chien à retrouver des personnes ensevelies sous la neige après une avalanche ou leur aide précieuse apportée pour trouver le moindre sachet de drogue parfois savamment dissimulé.
Concernant leur prédisposition à détecter des cellules tumorales, l’hypothèse est née de nombreux témoignages de propriétaires de chiens affirmant que le comportement de leur animal avait changé en présence de personnes porteuses, sans le savoir, d’un cancer.
Ainsi, vers la fin des années 80, une femme a fait la démarche de consulter son médecin pour faire explorer un grain de beauté grâce à l’attitude inhabituelle de son chien. À plusieurs reprises, celui-ci aboyait en s’orientant vers la jambe où se situait ce qui s’est révélé être, par la suite, un cancer de la peau.
L’odorat hors norme du meilleur ami de l’homme
Le chien est doté d’une concentration très élevée de récepteurs olfactifs rassemblés sur environ 130 cm2 de sa muqueuse nasale (contre 3 cm2 chez l’être humain). Cet odorat surdéveloppé lui permet de percevoir des odeurs jusqu’à 1 million de fois plus diluées que ce que pourrait faire un humain.
On entrevoit mieux en quoi l’odorat canin apparaît comme un outil précieux sur lequel des équipes de chercheurs du monde entier travaillent.
L’application en pratique
Le principe
Les chiens peuvent être en capacité de flairer la présence de cellules cancéreuses dans des échantillons qui lui sont proposés grâce à des composés volatils particuliers.
Pour mettre à profit cet atout, une phase de dressage est bien sûr nécessaire. La reconnaissance et la mémorisation de l’odeur spécifique des cellules cancéreuses prennent plusieurs mois.
L’animal familiarisé va s’orienter et faire comprendre quel échantillon contient l’odeur caractéristique de la présence de cellules tumorales. La nature de l’échantillon peut varier selon le cancer (urines, sang, sueur…). Le critère essentiel est d’atteindre un taux de fiabilité élevé. Les études déjà menées affichent des résultats très prometteurs en termes de sensibilité.
Des équipes pleinement mobilisées
En France, l’étude KDog est probablement la plus connue et a débuté dès 2015 à l’institut Curie. Ce sont 2 malinois qui participent au sein d’une équipe pluridisciplinaire, dans un protocole qui vise le cancer du sein. Pour cela, c’est un tissu imbibé de la sueur des femmes, qui est ciblé. Les résultats de 2017, pour valider la preuve de concept, ont montré que les chiens étaient parvenus à identifier 90,3 % des 130 échantillons positifs présentés (1). L’étude clinique qui a suivi, entre 2020 et 2022, n’a pas été à la hauteur des attentes (sensibilité à 67,1%) mais a permis d’envisager des pistes de réflexion pour améliorer la technique de détection.
Une étude scientifique américaine, parue en 2019, a mis en évidence que des chiens, entraînés spécifiquement, pouvaient détecter des tumeurs cancéreuses du poumon par le biais de prélèvements sanguins chez des personnes concernées par la maladie, avec un taux de réussite très élevé, autour de 95% (2). La valeur prédictive positive était de 90,6% et la valeur prédictive négative de 99,2% (pour en savoir davantage sur ces notions plus scientifiques, rendez-vous en fin d’article).
Les avantages d’une bonne technique de détection
Un outil de dépistage efficace devrait combiner précision, fiabilité, ne pas être invasif et avoir un coût contrôlé. La collaboration avec le chien et la puissance de son odorat pourrait cocher toutes les cases, bien qu’elle demande encore confirmation pour une transposition à plus large échelle.
Face à une population vieillissante croissante, l’anticipation des besoins de demain apparaît comme une réalité à considérer.
Par ailleurs, dans des cas particuliers (personnes en situation de handicap pour qui l’accès est souvent difficile ou encore celles ayant une peur panique de réaliser l’examen de dépistage), cette alternative pourrait se révéler précieuse.
Toute contribution visant à favoriser et améliorer le dépistage précoce des cancers présente un intérêt crucial parmi les enjeux de santé publique. La piste animale présente bien des avantages et demande encore à être explorée. D’ailleurs, les fourmis pourraient se joindre à la recherche car elles semblent révéler, elles aussi, des compétences de détection prometteuses (3).
Le saviez-vous ?
- VPN et VPP sont 2 notions statistiques importantes dans la recherche médicale.
- La valeur prédictive négative (VPN) indique la probabilité que la maladie soit absente lorsque le résultat du test est négatif.
- La valeur prédictive positive (VPP) indique la probabilité que la maladie soit réellement présente lorsque le résultat du test est positif.
- La sensibilité correspond à la probabilité que le test soit positif sachant que le sujet est malade.
Sources
- Thuleau A, Gilbert C, Bauër P, et al. A New Transcutaneous Method for Breast Cancer Detection with Dogs. Oncology. 2019;96(2):110-113. doi:10.1159/000492895
- Junqueira H, Quinn TA, Biringer R, et al. Accuracy of Canine Scent Detection of Non-Small Cell Lung Cancer in Blood Serum. J Am Osteopath Assoc. Published online June 17, 2019. doi:10.7556/jaoa.2019.077
- Piqueret B, Bourachot B, Leroy C, et al. Ants detect cancer cells through volatile organic compounds. iScience. 2022;25(3). doi:10.1016/j.isci.2022.103959